Dans son intervention, Jacques Chirac a tenté de préserver l’unité du pays et de laisser la porte ouverte à une solution négociée. Il l’a fait au prix de contorsions de langage et d’une innovation constitutionnelle : la PLP ou Promulgation de Loi Précaire -:)
Ses propositions de modifications sont celles qui étaient souhaitées au début du conflit. Bref, il veut encore donner une chance au dialogue social. Tant mieux, même si c’est bien tard, bien compliqué et que les hommes et femmes politiques n’en sortent pas grandis.
Je ne sais pas ce que sera l’avenir des prochains jours. Je souhaite que la négociation permette de sortir de la crise. Mais j’ai l’impression que le problème du CPE est maintenant dépassé par une nouvelle émergence de la crise de société que nous vivons depuis plusieurs années et que je signalais dans un article précédent.
La crise du CPE nous permet d’en saisir deux éléments importants :
- l’inquiétude face à un nouveau rapport de l’individu à une société en mutation. Ce nouveau rapport est vécu selon les personnes et selon les moments comme un espace de liberté ou une condamnation à la précarité. Il ne faut pas laisser s'installer cette fracture.
- la profonde crise sociale, et par ricochet de la décision politique, que vit actuellement notre pays. Elle est évidente. Comment le projet d’aider les jeunes à entrer dans le monde du travail, qui devrait être consensuel, peut-il finalement être aussi mal compris et rejeté ? Tout a été dit sur la méthode. Mais il serait dangereux de penser qu’il s’agit d’un problème ponctuel. Je crois qu’au-delà du CPE, nous ne pourrons faire l’économie d’une réflexion sur le fonctionnement de notre système de décision : renforcement de la place du parlement, meilleure représentativité des syndicats et renforcement de leurs prérogatives, fonctionnement du gouvernement, etc. Il serait également souhaitable que l'opposition joue un rôle de critique et de proposition. Il n'est pas possible de le décider. Mais il faut bien constater que l'obstruction systématique et l'absence totale de projet de l'opposition actuelle ne favorisent pas la qualité des débats.
Au-delà du travail sur le CPE, et en vue des prochaines échéances il faudra répondre à deux questions. Comment favoriser la liberté d’entreprendre et ne pas tolérer la précarité ? Comment inventer une nouvelle gouvernance politique pour faire face à une crise sociale profonde et aux nouveaux défis auxquels est confronté notre pays tout en obtenant une large adhésion des citoyens ? Un débat qu'il ne faudra pas escamoter.