Depuis la mi-janvier se déroule une enquête publique sur la modification, proposée par la ville, du Plan Local d'Urbanisme (PLU).
Cette modification a été lancée et s'est déroulée sans grande publicité et sans débat au sein du Conseil Municipal, sans discussion avec les élus à l'occasion d'une commission qui aurait pu traiter du sujet ou bien encore au sein des conseils de quartier.
Or les modifications proposées sont susceptibles de transformer de façon importante le visage de la ville et d'avoir un impact majeur sur son fonctionnement futur.
En compagnie de Jack Duval et au nom de plusieurs élus (Catherine Morin-Desailly, Régine Marre, Nicolas Zuilli, Laurence de Kergal, Anne-sophie Deschamps, Edith Calonne, Patrick Herr) mais aussi de citoyens rouennais, je suis allé déposer cette après-midi auprès de madame le commissaire enquêteur, le document ci-dessous dans lequel sont formulées diverses remarques sur ce projet de modification.
Je vous en souhaite bonne lecture et serai intéressé par vos avis
Remarques sur le projet de modification
du Plan Local d'Urbanisme de Rouen
mis à l'enquête publique
du 19 janvier au 20 février 2009.
Remarques générales sur les modalités de la modification et de la concertation
Le projet d'évolution du PLU présenté dans les documents mis à l'enquête publique comporte des modifications majeures dont certaines remettent en cause des orientations du projet d'aménagement et de développement durable du PLU de 2004.
En effet, les modifications proposées remettent en cause la volonté de préserver les secteurs résidentiels de faible densité au contact des secteurs urbains les plus denses. Elles remettent également en cause les relations avec les quartiers des communes limitrophes, la volonté d'implantation d'activités créatrices d'emplois en particulier dans les quartiers en difficulté et la nécessaire prise en compte du patrimoine naturel et paysager dans l'aménagement et le développement de la ville.
Pour toutes ces raisons, c'est la procédure de révision du PLU qui aurait dûe être choisie pour cette évolution importante. Le choix de la procédure de modification n'est pas bien adapté à l'importance des décisions proposées sur l'équilibre futur de la ville. La procédure de révision aurait eu l'avantage de provoquer un débat préalable en conseil municipal et une consultation des différentes personnes publiques. Cette concertation semble indispensable afin d'éviter que des modifications aussi importantes ne puissent faire l'objet d'un débat public et approfondi sur leurs conséquences à venir pour les habitants et pour le développement de la ville de Rouen. La ville s'est contentée de la publicité minimum requise sur ce projet de modification, ce qui n'a pas permis une consultation large du dossier par les Rouennais. C'est regrettable et dans ces conditions la présente enquête publique est marquée par une très faible participation des rouennais.
Nous contestons donc le choix de la procédure de modification et demandons que la réflexion soit reprise dans le cadre d'une procédure de révision et d'une concertation élargie.
Principaux points relevés
Modification de l'article 12 du PLU
La précédente modification du PLU avait introduit une disposition, conforme à l'article L. 123 - 2 du code de l'urbanisme obligeant pour la réalisation, dans certains secteurs de la ville, d'au moins 20 % de logements sociaux dans tout programme de logements neufs d'au moins 30 logements. La modification proposée de cet article est de deux ordres :
- la règle nouvelle impose la réalisation de 25 % de logements sociaux pour toute opération de quatre logements ou plus. C'est à dire que dans toute opération de quatre logements il faudra réaliser au moins un logement social.
- la règle est étendue à l'ensemble des secteurs de logements de la ville à l'exception des secteurs du Grand Projet de Ville.
Confirmer la règle précédente et la faire évoluer, même si elle n'a pu être évaluée à ce jour, n'est pas critiquable en soi et favoriser la mixité est une orientation retenue depuis l'adoption du PLU. Cependant, le nouveau dispositif proposé appelle un certain nombre de commentaires :
- ne s'appliquant qu'au seul territoire de la ville de Rouen, et donc mettant celui-ci en concurrence avec le territoire des communes limitrophes, cette règle risque de pénaliser l'investissement immobilier privé sur le territoire de la ville de Rouen. Elle favorisera les promoteurs les plus importants et les opérations de grande envergure.
- cette règle ne repose que sur une vision financière du logement social. Cette vision comptable du logement social ne prend pas en compte de façon globale la problématique du logement social. En effet, elle est contraire à l'harmonie souhaitée par la mixité sociale qui sous-entend obligatoirement un accompagnement social. Celui-ci ne peut être apporté avec efficacité que dans le cadre d'opérations moins disséminées. La règle précédente de 20 % de logements sociaux pour 30 logements fixait la taille minimum d'unités de logements sociaux à six, ce qui permettait un accompagnement social réel. La nouvelle règle rend irréaliste un tel accompagnement.
En proposant cette règle, la ville de Rouen réalise plus une opération de communication qu'elle ne met en place un dispositif plus efficace que le précédent. Elle aurait dû suivre les recommandations de la fondation Emmaüs, qui réfléchit de longue date sur ces sujets, et qui préconise de ne pas descendre au-dessous d'une exigence de 20 % de logements sociaux pour toute opération d'au moins 10 logements[1]
Modification des règles de stationnement
La principale modification proposée consiste à diminuer la demande de stationnement à 0,8 place par logement sur l'ensemble des zones de logement de la ville. Nous ne traiterons ici que de cette règle, les autres modifications et en particulier celle sur le logement étudiant n'appellent pas de commentaires.
Les nouvelles règles en matière de stationnement s'appuient sur l'"enquête ménages" publiée en 2007 par l'Agglo de Rouen. Cette étude a été réalisée dans un cadre global et ne permet pas d'évaluer les conséquences des modifications proposées. Certes, le taux de motorisation est plus faible à Rouen que dans l'ensemble de l'Agglomération et il est plus faible en zone urbaine dense du centre ville de Rouen que dans certains quartiers plus périphériques et résidentiels. Ceci est d'ailleurs clairement annoncé dans le dossier de modification qui reconnaît des disparités sur le territoire de la commune. Dès lors, si le principe de cette règle va dans le sens souhaitable d'une diminution de la pression de l'automobile sur l'urbanisme, elle est tout à fait contestable dans les mesures préconisées. Nous citerons :
- L'erreur de faire une règle unique sur l'ensemble des zones de logement de la ville alors que comme cela a été signalé précédemment, il existe des différences entre quartiers.
- L'absence de cohérence entre les nouvelles règles imposées de stationnement et le schéma d'organisation des transports en commun.
- L'absence d'étude d'impact du report prévisible du stationnement sur la voie publique, de véhicules de résidents pouvant à terme gêner le fonctionnement de la ville, perturber l'accès commercial à la ville et à long terme entraîner des coûts d'infrastructures nouvelles pour la ville
- L'impact négatif sur la construction de grands logements à Rouen.. En effet, il est admis largement que Rouen doit rééquilibrer son offre de logements en faveur de logements plus grands. En baissant l'exigence de construction de places de stationnement par logement, la ville fait bénéficier les promoteurs d'une diminution du coût de construction et les incite, indirectement, à construire plus de logements de petite surface. Avec la règle précédente, la construction d'une opération de 10 logements "coûtait" la réalisation de 15 places de stationnement au promoteur. Avec la règle nouvelle, le même promoteur pourra réaliser sur le même terrain une opération de 20 logements plus petits pour un "coût de stationnement" de 16 places. Il a donc tout intérêt à choisir cette option qui lui aurait coûté 30 places avec le règlement précédent. La règle proposée va donc favoriser la construction de logements plus petits. Ce qui est en contradiction avec les orientations du PLU et son rapport de présentation.
- Le caractère potentiellement inefficace de la formulation de la règle par rapport à l'objectif proposé de réduction du nombre de voitures à Rouen. En effet, la règle fixe un minimum mais pas de maximum. Rien n'empêche donc un promoteur de construicre plus de places de stationnement que de besoin pour son opération. Dès lors, on peut imaginer deux conséquences néfastes de cette règle :
- la création de parkings privés à l'occasion de certaines opérations immobilières pour répondre à la pénurie organisée dans les opérations voisines. La rareté des places, augmentera leur prix et assurera donc la rentabilité de telles opérations. L'objectif fixé ne sera pas atteint et le prix des places pour les habitants augmentera.
- l'introduction d'une disparité nouvelle entre opérations "hauts de gamme" largement dotées en stationnement et accessibles aux plus aisés avec la commodité du stationnement et opérations réalisées à l'économie dont les futurs habitants, souvent dépendants de leur voiture pour des raisons professionnelles et familiales, seront renvoyés aux aléas du stationnement sur la voie publique avec ses risques, ses difficultés et son coût.
Modification des orientations d'aménagement du GPV
La modification proposée du PLU annonce l'abandon des orientations d'aménagement pour le secteur de GPV. En soi, l'intégration au PLU de l'important travail déjà réalisé sur le secteur depuis 7 ans est une évolution cohérente. Mais il est évident que l'évolution proposée est majeure. Elle remet en cause :
- la composition urbaine du secteur des hauts de Rouen et en particulier du quartier du Châtelet
- le désenclavement des hauts de Rouen, l'un des axes majeurs du projet de rénovation de ces quartiers intégré au partenariat créé avec l'ANRU.
Les éléments contenus dans le dossier soumis à enquête publique rendent difficiles une appréciation objective des modifications proposées. En effet, le dossier de modification présente des chapitres surlignés en vert, donc modifiés, dont une partie est supprimée et quelques lignes sauvegardées. Ceci rend la lecture du document quasi impossible. Il ne permet donc aucune visibilité claire sur une évolution que l'on imagine majeure sur ces quartiers particulièrement sensibles. Il est également à noter que ces modifications sont faites sans études approfondies et sans concertation. Ce qui est tout à fait contraire à la démarche qui avait été adoptée pour la version précédent du PLU. Ce sujet particulièrement sensible et important pour l'avenir de la ville de Rouen aurait mérité plus d'attention.
Suppression de l'emplacement réservé numéro 14
La suppression de cet emplacement réservé destiné à relier la rue de Sotteville au jardin saint sever et à anticiper l'extension de la cour de l'école Marcel Cartier est tout à fait regrettable. En effet, cette suppression met en cause le lien entre un secteur en développement autour du carrefour de la rue Sotteville et du boulevard de l'Europe avec le jardin Saint Sever et le quartier saint Sever par l'intermédiaire d'une circulation douce. Cette disposition est contraire à la volonté affichée dans la modification du PLU et au projet d'aménagement et de développement durable.
Modification du schéma d'orientation Aubette Martainville
S'il est légitime que le schéma d'aménagement du secteur Aubette Martainville évolue en fonction du travail de réflexion menée, il est permis de s'étonner de l'évolution du PLU sur ce secteur. Trois éléments remettent en cause le projet initial :
- la moindre lisibilité des espaces et des possibilités d'extension du CHU
- la diminution de l'ambition économique au profit d'une opération de moindre envergure.
- la disparition d'un espace réservé à l'extension du métrobus sur la zone. Cette extension avait été considérée comme indispensable à la réussite de ce secteur et des études avaient été inscrites au contrat d'Agglo. Conformément aux orientations du PADD la volonté de développer l'offre de transport en commun pour les utilisateurs pendulaires attendus sur cette zone d'activité englobant le CHU doit être maintenue.
Modifications des secteurs de maison
Plusieurs évolutions du PLU prévues par cette modification vont entraîner à terme, un important changement de la morphologie des secteurs de maisons et surtout une dénaturation du caractère paysager créé par l'amphithéâtre urbain peu dense et verdoyant des coteaux Nord et Est de la ville. Cette évolution est contraire au projet d'aménagement et de développement durable.
Les règles incriminées sont la possibilité de réalisation d'extensions supplémentaires, la possibilité d'une plus grande emprise au sol autorisée et la modification de la règle de hauteur dans les secteurs UBa permettant la construction d'un étage supplémentaire dont l'effet sera potentiellement pénalisant pour les vues et perspectives.
Contournement Est
A la lecture de la modification introduite à la page 112 du rapport de présentation, il faut se réjouir de constater que la ville confirme et soutient implicitement la réalisation d'un contournement Est de la ville.
Modification des hauteurs des bâtiments Quai de Boisguilbert et Rue René Dragon.
Les modifications proposées sont regrettables. Elles doivent être remises en cause. En effet, elles consistent à ne plus fixer de hauteur minimale au risque de permettre des constructions sans rapport avec l'échelle urbaine de cette partie de la ville. Elles sont également de nature à permettre des constructions plus hautes risquant de perturber les vues des immeubles voisins existants ou à venir.
Cavités souterraines du quartier des vieux sapins
Il est regrettable que cette procédure de modification n'ait pas été mise à profit pour lever les doutes sur l'existence de cavités souterraines dans le quartier des Vieux Sapins. La suspicion actuelle sur l'existence de ces cavités est préjudiciable aux propriétaires et habitants de ce secteur.
En conclusion
Nous regrettons l'absence manifeste de concertation et de débat autour de cette modification. La faible participation à l'enquête publique en témoigne de façon évidente. Les modifications proposées remettent en cause l'équilibre du PLU et auront un impact fort sur le fonctionnement futur de la ville.
Nous souhaitons attirer l'attention de Madame le commissaire enquêteur sur ces points et lui demandons d'en tenir compte dans son avis. Il est essentiel de permettre une concertation plus approfondie et une consultation élargie pour cet engagement à long terme pris par la ville.
Edgar Menguy
Conseiller Municipal de Rouen
[1] • Rapport sur le mal logement (Fondation Emmaus)
"Première proposition
Imposer sur tout le territoire et dans tout programme immobilier de
plus de 10 logements un quota minimum de 20 % de logements à loyers
accessibles (logements sociaux ou logements privés conventionnés).
Cette mesure représenterait un signe fort de l'État vers les collectivités
locales, les promoteurs, les constructeurs et la population en matière
de relance de la production et de recherche d'une plus grande mixité
sociale. Les communes qui disposent de plus 40 % de logements
sociaux sur leur territoire pourraient s'affranchir de cette obligation."